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de la peine. Elle était déjà hors de la vie, avec une vision morbide de toutes choses.

Le matin, quand elle voyait les meubles de son salon remués et un domestique balayant, elle en éprouvait de la répugnance triste, un sentiment pauvre et désespéré, comme si cet acte médiocre et passager se fût étalé sur la vie, eût primé tout le rêve et tout l’idéal.

« Un jour, quand je serai morte, pensait-elle, on fera cette pauvre chose de balayer et de ranger ; quelle misère que les petits rouages paisibles de l’existence ! »

La femme de Philippe Forbier ne se remettait que lentement ; Sabine le savait par les lettres de Philippe, d’un ton plus sage qu’autrefois, où, au travers des mots, il semblait soupirer : « J’ai vieilli maintenant, j’ai besoin de ma conscience et du repos, et que suis-je pour vous, si glorieuse ? »

Elle n’avait pas envie de lui dire comment elle était. Elle avait appris, peu à peu, que les paroles des femmes n’ont pas de sens pour les hommes qui les aiment…

Et puis sa lassitude lui donnait une sorte de faiblesse de l’orgueil, une peur physique d’occuper