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loin. L’ombre venait, il ne faisait pas de vent. Des champs de chaume ras étaient lisses et roses.

Sabine s’enivrait de l’air vivifiant et du beau soir. En levant la tête elle vit un sapin, si calme dans l’air secret. Elle s’attarda un peu à le regarder. Elle l’envia, mélancoliquement, d’habiter plus haut qu’elle dans le mystère de l’atmosphère et de la nuit… Par une allée de sable doux, elle arriva lentement au château ; elle trouva dans le tranquille salon, un peu éclairé, la mère d’Henri qui écrivait des lettres en se les récitant à elle-même sur un ton grave et nuancé, Marie qui brodait et se leva vite à son entrée, Jérôme qui fumait en marchant.

Elle éprouvait de la tendresse pour eux trois, elle eut envie de leur tenir les mains, de leur dire : « Mes amis, mes amis… »

Tout lui était repos et satisfaction. Elle ne pensait presque pas. Le souvenir de Philippe était en elle comme le cœur est dans l’organisme, agissant et silencieux.

Elle se sentait bien, elle se souvenait et observait. Il lui semblait que des années, beaucoup d’années, la séparaient du temps où elle avait