Page:Noailles - La Nouvelle Espérance, 1903.djvu/281

Cette page n’a pas encore été corrigée

rien, pour le besoin qu’elle avait de lui, et de lui faire mal. Ainsi mêlant leurs tristesses et leurs reproches, Philippe patient et Sabine irritée entrèrent ensemble, vers le soir, dans la gare tintante d’un tremblement de vitrage et de fer, grise de fumée engouffrée, haletante de départs, aérée du vent des trains accourus et projetés.

Madame de Fontenay et Philippe Forbier, pris dans les groupes des voyageurs, se trouvaient à tout moment disjoints par les autres fièvres, les autres hâtes qui étaient là. Lui comprenait qu’il n’avait plus que quelques minutes à tenir Sabine, qu’après cela elle aurait un visage de chagrin qu’il ne verrait pas ; il en éprouvait une douleur violente et silencieuse.

Elle suivait, lourde et fâchée. En des enchaînements rapides elle ressentait la colère et la douleur, une morne indifférence et de montantes angoisses où le mouvement du cœur se précipite, comme une voix qui crie.

Elle regardait la gare de verre, voluptueuse, pleine de pas, ouverte sur tout l’horizon, sur toutes les terres et les mers du désir… Des trains partaient, déroulant leur ruban de bruit ; partout