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— Cela vous fâche contre moi, c’est injuste, soupira Sabine.

— Non, dit Philippe, je ne me fâche pas et je ne suis pas injuste… C’est vous qui n’êtes pas bonne ! Vous ne savez pas qu’il faut s’efforcer et se contraindre. Les femmes ne savent jamais cela… Notre vie à nous est faite de cette besogne, et nous ne sommes pas moins sensibles que vous ; seulement, vous autres, vous êtes nerveuses, vous ne pouvez pas vouloir, on vous a toujours cédé… Il n’y a pas de degrés dans vos douleurs ; la contrariété vous fait crier comme la mort, et on aime mieux tout que de voir vos visages d’angoisse. Dieu sait, continuait-il, que je vous aime, et pourtant je sens que ce ne serait pas mal agir envers vous que de faire ce qui serait le devoir du moins scrupuleux des hommes.

Sabine le suivait dans la chambre où il errait, n’essayant pas de le retenir, mais semblant marcher dans le chemin de sa douleur. Voyant par instants le visage de Philippe sombre et fixe, elle pensait :

— Je suis ignoble, je le tourmente, je le tue…