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— Tu ne te rappelles pas, fit-elle timidement et déjà un peu réjouie, c’est aujourd’hui l’anniversaire de notre mariage… Voilà vingt-deux ans, maintenant.

Philippe sourit avec embarras, la remercia, l’embrassa sur les cheveux. Il cherchait quelque chose à lui dire qui ne lui fût pas, à elle, cruel, ne déchaînât pas ses larmes… Les mains dans les fleurs, il retournait les boules-de-neige, répétait : « Comme elles sont belles ! », et s’obstinant à respirer ce bouquet qui n’avait pas de parfum, il attendait que quelque chose vînt le tirer de sa gêne. Rien ne bougeait ; il se retourna vers sa femme et brusquement attendri il prononça doucement :

— Je te remercie, tu es bonne.

Et il lui mit les deux mains sur les épaules, d’un geste d’enfant, un peu lourdement, comme il avait toujours fait. Alors, elle pleura, et tout de suite abondamment ; elle était un visage baigné d’eau. Philippe ne pouvait pas voir pleurer sans éprouver un sentiment de faute et de détresse infinie.

Les gens malheureux l’intimidaient affreusement.