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ta mémoire me donne le sentiment de l’ivresse et de la peur.

Philippe reprenait :

— Tu es trop jeune, tu t’en iras…

— Ah ! s’écriait Sabine, l’avenir, la mort, la vie, qu’est-ce que cela fait ? Ils n’aiment pas assez ceux à qui cela ne suffit pas d’aimer peu de temps ! Le jour où je pouvais encore choisir de venir ou de ne pas venir chez toi, le jour grave, quand on m’aurait dit que tu allais partir ensuite, me quitter, mourir, je serais venue tout de même, parce qu’il n’y a pas d’avenir, il n’y a que le présent, toujours le présent…

Philippe répétait avec un regard de douleur inconsolable :

— Tu t’en iras un jour, démente, chère démente ; je ne sais ce qu’il y aura, mais il y aura du malheur dans cet amour.

— Ne vous tourmentez pas, interrompait Sabine. Quelle folie de vous tourmenter ! S’il y a quelque peine, ce sera pour moi, croyez-moi, cela a toujours été pour moi ; la douleur va à ceux qui en ont l’habitude.

Il se fâchait.