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et le coude ; avec une attention distraite et penchée, il pressait ce bras émouvant, comme s’il voulait le lui briser, comme si c’eût été la seule chose à faire en ce moment.

Sabine, immobile, riait d’un rire bas et nouveau. Elle disait :

— Cassez-moi le bras, qu’est-ce que cela fait, j’ai toujours eu envie qu’on me fît mal…

Tous ses traits étaient changés. Elle sentait que les impressions de son visage étaient mises de travers sur celles de son âme, que le rire ne posait plus sur la gaieté ou la joie, mais sur un trouble âcre et profond.

Elle eut, des épaules et de la tête, une oscillation à droite, à gauche, et puis, le front enfin trop lourd, elle tomba contre Philippe.

Il n’était presque pas plus grand qu’elle, et comme il avait un peu courbé la tête, leurs visages se rencontrèrent entièrement…

Dès lors, le long de son âme et de tout son être, entre elle et lui, descendait un rideau d’ombre qui la faisait rigide et fermée. Elle ne luttait pas. Elle ne voulait ni ne voulait pas ; elle était une âme qui ne répondait point. Tous ses regards étaient au dedans d’elle.