faisait résonner la mémoire jusqu’aux pointes les plus lointaines du souvenir. Tout ce qu’elle avait connu, dès le plus jeune âge, de déceptions et de chagrin, revenait, et elle souffrait alors véritablement comme les enfants, dont le cœur saute dans des larmes. Le visage et les mains lavés de pleurs, l’âme coupée d’une blessure de tendresse et de faiblesse, elle se disait qu’elle ne savait rien ménager de la vie, que probablement elle vieillirait et mourrait ayant écarté d’elle jusqu’à la sainte amitié.
Et voici qu’elle ne reprochait plus rien à Pierre, elle s’étonnait seulement qu’il ne vît pas comme elle était pleine de regrets et de soupirs, et comme sa pensée le servait tendrement. Elle se sentait triste, vertueuse et grave, fatiguée par ce nouveau chagrin, ayant perdu la jeunesse de son cœur, mais disposée à vivre courageusement et noblement. Que Pierre vînt lui parler une fois encore, et elle lui dirait tout cela, et aussi qu’ils demeurassent, elle, Henri et lui, des amis simples et confiants.
La contrariété dont Pierre Valence avait souffert avait endormi son esprit, et, à la faveur de ce sommeil, son instinct l’entraînait hors de