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N’était-elle pas au fond un être de solitude ; qu’avait-elle le plus aimé dans la vie ? Le rêve, l’imagination, la paisible monotonie. Certainement elle avait dû être heureuse autrefois, au commencement de son mariage, quand elle peuplait de tant de vagues désirs la blancheur du vide, quand elle se réveillait lentement au matin, ne sachant pas l’année qu’il était, ni l’âge qu’elle avait, tant la douceur des jours lui semblait infinie.

Comme elle s’était amusée, en juillet, assise devant les graviers chauds des jardins, et en automne, à courir le long du feuillage rouge des noisetiers, où luisaient, durement chevillées à leurs capuchons verts, les noisettes en bois de soie…

Elle avait aimé aussi toutes les choses des maisons et des chambres, l’aurore d’été, prise dans les rideaux de perse gommée, et quand on ouvrait la fenêtre les matins d’octobre, la première entrée du vent froid, qui sentait l’anis et le raisin…

Elle avait aimé de vieilles commodes à ventre rebondi ; le tapis d’une table ronde fait du châle de son aïeule, des coussins à franges, des cache-