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Mais était-ce la chose qu’elle cherchait, était-ce bien ce qu’elle voulait : donner aux autres du bonheur ?

Non, elle était meilleure que cela. Elle-même n’avait pas aimé le bonheur, elle avait toujours désiré pire, et c’est pour Pierre surtout qu’elle eût souhaité qu’il souffrît.

Le sourd tumulte qui par moments traversait le cœur de cet homme se perdait trop vite dans son active gaieté. L’amour qu’il éprouvait pour Sabine était ses vacances. Il avait eu dans son passé beaucoup de tempêtes, et maintenant il entrait dans la baie d’un plaisir qui durait, se renouvelait et ne le blessait pas. L’étonnement qu’il en ressentait le reportait à des états d’esprit plus jeunes, à l’insouciance et à la sécurité enfantines.

Jusqu’à présent, il s’était tourmenté pour des femmes dont il avait eu envie brusquement, et il s’était toujours arrangé pour compliquer ses affaires. Il se lacérait le cœur de la pointe de leurs regards, organisait le soupçon et la jalousie, pleurait pour les infidélités subtiles de leurs pensées, criait pour le souvenir de leurs cheveux et de leurs mains.