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était bien certain du moins qu’il ne la regrettait pas. Il parlait d’elle en plaisantant, et mettait à cela son orgueil d’homme bien portant qui ne s’attarde pas aux places malsaines du souvenir. Henri et Sabine l’avaient un peu querellé sur les résolutions qu’il prenait de n’être plus amoureux, car l’amour était sa hantise mystérieuse.

Henri de Fontenay ayant été nommé maire de sa commune en Dauphiné, cette charge nouvelle le contraignit désormais à de fréquents voyages qu’il écourtait autant qu’il le pouvait. Mais ces départs dérangeaient un peu l’ordre de la maison, les habitudes des repas pris ensemble, et Sabine se sentait seule, n’ayant plus rien de fixe dans sa vie.

Ses journées étaient longues ; elle ne voyait Pierre et Marie qu’à l’heure du thé ; quelquefois le soir elle allait avec eux au théâtre, et elle revenait lassée le plus souvent, n’ayant pas eu tout le plaisir qu’elle avait cru, contemplant d’un œil fatigué, par la fenêtre gelée de la voiture, le morne Trocadéro tout en brouillard dans le silence de minuit. L’air de la nuit restait pour elle mystérieux et un peu sacré. Elle