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— Moi, interrompit Pierre, je le vois avec les yeux de la carpe qui souffle des bulles d’air sur les étangs des fables de La Fontaine. Vous souvenez-vous de cette carpe délicieuse et heureuse ?

Et Sabine la connaissait bien, pour avoir, avec elle, laissé flotter sa pensée sur les petites ondes, le long du sable et des herbes françaises.

Pierre se trouvait bien chez la jeune femme. Il s’y livrait abondamment à ses théories sociales. Sabine l’écoutait. Elle riait parfois de la manière enfantine dont elle imaginait les époques futures.

— C’est tout à fait, lui disait-elle, comme la couverture illustrée des livres utopistes : un grand demi-soleil, avec des rayons bien nets comme à une roue, levé sur une plaine où le blé germe visiblement, et un homme nu qui a l’air à l’aise et heureux. Je crois que dans ce temps-là, ce sera toujours l’été, car les grêlons dérangeraient tout…

Mais elle était, plus encore que Pierre, passionnée de justice et de pitié humaine. C’était sa seule certitude que la pitié avait toujours raison. Elle lisait des livres de science, tout