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Elle avait beaucoup souffert du moment des fiançailles, de l’instant où, riant et pleine d’entrain et d’habileté fraternelle, elle avait dit à Marie, en la poussant vers Jérôme : « Maintenant vous pouvez vous embrasser » ; et elle avait senti pendant plusieurs jours, de l’un à l’autre de ces êtres, la gravité attendrie de la vie échangée, l’invisible chaîne qui les empêchait presque de s’écarter longuement.

Il était à elle, elle était à lui, dans le consentement de l’ordre social et de la nature respectueuse. Et cela les bouleversait, bouleversait la jeune fille donneuse de soi-même, et le jeune homme maître d’une autre destinée.

On les laissait se promener ensemble. Sabine exagérait la discrétion, se retirait de partout, en ressentait de l’humilité et de la fâcherie.

Elle jouissait durement et jusqu’à la plus aiguë douleur de tous leurs gestes surpris : attitudes touchantes et faibles des êtres que l’attente lasse, et qui, épuisés de chasteté, s’assoient doucement l’un près de l’autre, se tiennent les mains sans désirs.

Sabine se sentait si seule, si malheureuse, qu’