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de sa fatigue qui lui collait au corps comme des bandelettes et la faisait trébucher. Elle s’approcha de Pierre, lui prit la main, le força de s’asseoir et s’assit près de lui. Ils se turent un instant, et puis il lui dit :

— Pleurez, parlez, nous sommes seuls ; je viens de quitter sur la route votre mari et votre belle-sœur, ils ne seront pas de retour avant ce soir. Ne me racontez rien si vous voulez, mais ne retenez pas votre peine.

Et Sabine appuyait doucement sur ses yeux la main de Pierre, afin d’être sans regard comme dans la tombe profonde… Et par instants elle s’assoupissait, puis elle s’éveillait, percée de souvenirs stridents. Elle tremblait. Son cœur, qui sautait en elle, la secouait de cahots durs et répétés, il semblait qu’elle était emportée par une voiture fragile sur des routes hérissées et cruelles. Pierre lui dit :

— Vous souffrez en ce moment le plus fort de votre mal. Après, cela sera mieux, vous verrez…

Mais elle croyait que c’était irrémédiable ; elle se répétait que ce qui était tout à l’heure n’était plus ! elle ne comprenait pas qu’une minute,