— Mais parfois, quand le sort te déçoit et t’offense,
Ô Schubert ! quand les pleurs se mêlent à ton pain,
Tu composes ce miel de grâce et de souffrance
Dont viendra s’iriser le sanglot de Chopin !
Les poèmes de Gœthe et les vers romantiques
N’auraient pas, ô Schubert ! leur suprême sursaut,
Si ton ample génie, alerte et despotique,
N’eût comme un océan soulevé ces vaisseaux !
Tout t’appartient, la fleur agreste, les fantômes,
La séduction grave ou joueuse du sort,
L’onduleux mouvement, pareil à des aromes,
Liant la jeune fille aux appels de la mort.
Et cependant, tu meurs à trente ans ! La musique
Eût pu puiser en toi sans rencontrer le sol,
Liquide profondeur, ardeur chaste et physique,
Nuage voyageur, incessant rossignol !
Trente ans ! Tu n’as donné que ta jeunesse au monde !
L’inconscient destin s’est appauvri de toi,
Schubert, cœur matinal ! Mais tes suaves ondes,
Comme un neuf élément, chantent sous tous les toits !
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