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Sereine alacrité de Bach, courtois Mozart,
Ruses, pleurs, invective, urbanité céleste,
Colombes s’échappant de la voix et des gestes !
Schumann, Venise errante, et puissants étendards
Plantés sur le plaisir, plantés sur la défaite !
Sanglots, brillant autant qu’un lustre dans la fête,
Puis ce vague, confus et délirant départ !
— Beethoven, conscience et tumulte de l’être,
Solitude où la foule abonde, front baissé,
Et, toujours, sous vos pas saignants ou délaissés,
Le sommet, et le cri de vos anges champêtres !
Schubert, forêt où rêve un rosier puéril.
Chopin, explorateur d’un ciel mélancolique,
Clairon de la langueur, gémissement viril,
Moissonneur de l’orage et des soleils obliques,
Dans la captivité d’un spacieux exil.
Liszt, forcené, fringant. Villa d’Este. Et la neige
Sous le trépignement hongrois. — Rêves romains. —
Wagner, tout ruisselant de liquides arpèges,
Parmi l’appel du cor et les chants surhumains !
— Charmant Bizet, avec sa bacchante espagnole,
Arrogante et tragique avec un air français.
Italie, où le flot, le cyprès, la gondole,
Sur le cœur du passant font de chantants essais !