Page:Noailles - Derniers vers, 1933.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Il est baigné d’embruns, et pourtant il embaume,
Sa force est d’azur froid, mais les profonds étés
L’ont saturé d’un rêve où glissent des fantômes,
Telle l’Inde où l’on voit cheminer, dans l’arome,
Des peuples aux pas veloutés.

— Comme un mol éventail de palmes qui s’inclinent,
On sent autour de lui frémir avec amour
Le cortège enivrant des contes des Collines,
Où, dans un bruit lointain de tambour vague et sourd,
Passent des corps ambrés, en blanches mousselines,
Des garçons aux yeux clairs, des filles cristallines,
Les balles de polo heurtant la paix du jour,
Les gais poneys et le vautour !

Ô somptuosité des palais de Lahore,
Gravité de l’Égypte, œil déçu des Bouddhas,
Bruit des lotus s’ouvrant dans la Chine, à l’aurore,
Et la maison anglaise où tout humain s’honore,
Paisible entre ses vérandas.

— Poète, créateur, saisons, forêts, navires,
Par lui l’animal rêve et la cime respire,
L’espace, entre son cœur et celui de Shakspeare,
Penche comme entre deux aimants.