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le maréchal de guébriant

franchise et de duplicité. Compatissante, elle aimait à soulager la misère ; combien de gentilshommes, porteurs même de noms illustres, firent appel à sa bourse et frappèrent à la porte de l’hôtel de Guébriant, rue de Seine ! Elle voulait, pour flatter tout d’abord sa vanité personnelle, un mari dans une haute situation. Son choix n’était-il pas tombé sur Guébriant parmi bien d’autres, parce qu’elle avait découvert en lui assez d’étoffe pour faire grand ? Elle eut la situation rêvée, comme maréchale de France ; elle sut tenir honorablement son rang avec une modeste fortune, et — qualité bien rare en tous les temps — ne rechercha pas la richesse.

Un mélange accentué de qualités et de défauts en faisait une personnalité typique. Gardons-nous de suivre ceux qui, mus par une admiration sans bornes, comme Le Laboureur, ne lui accordent que des vertus et ne savent assez l’exalter.

Toujours à proximité de la Cour afin d’avoir, de première main, les nouvelles de l’armée, cette femme de caractère voyait le Roi, la régente, les ministres, employait des personnages secondaires et serviables ayant pied dans telle ou telle administration, et souvent d’une précieuse influence occulte. C’est ainsi qu’elle empêchait d’oublier un absent qui n’était pour ainsi dire connu des gens au pouvoir que par sa correspondance et ses victoires. C’est ainsi, tantôt ouvertement et tantôt sans bruit, qu’elle travaillait sans relâche pour l’armée de Guébriant, auquel il fallait procurer tous ses moyens d’action — moyens se réduisant à deux : les effectifs et l’argent.

Les qualités du caractère et de l’esprit ne s’improvisent pas, mais elles se développent avec l’effort ininterrompu d’une volonté tendant au même but. Avec la pratique, ces qualités atteignirent, chez Mme de Guébriant, un degré fort peu commun ; aussi, dans la suite, fut-elle choisie pour remplir deux missions diplomatiques importantes.

Après la mort du maréchal, de nombreuses difficultés s’élevèrent à propos de son modeste héritage. Par contrat de mariage, les époux s’étaient fait donation des ac-