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la maréchale de guébriant durant son veuvage

l’avons déjà vu, était rentré en grâce à la mort de Richelieu, comme il advint au duc d’Épernon et à bien des victimes du grand cardinal[1].

La comtesse de Guébriant ressentit la perte de son mari avec une « extrême violence ». « Tous les jours, dira l’enthousiaste et trop partial historien du maréchal, tous les jours, son mari ressuscitoit à sa mémoire pour mourir en son cœur, qui en faisoit un nouveau deuil… ; tous les jours elle lui immoloit quelqu’une de ses passions… ; la Cour même étoit morte pour elle… » Mme de Guébriant semble bien ne jamais avoir quitté son deuil, à en juger par les gravures qui la représentent, après plus de huit ans de veuvage, en costume noir, avec pointe et mante, une croix sur la poitrine, la montre pendant à la ceinture. Cependant, tout en vivant dans une certaine retraite, elle ne rompit pas complètement avec ses habitudes, resta fort sociable et en rapport constant avec la Cour, contrairement à ce que dit Jean Le Laboureur.

Entre les deux époux il y avait admiration réciproque, estime, confiance — autant de liens solides. — L’un cependant était modeste, ennemi des honneurs et des intrigues, essentiellement désintéressé, ayant une certaine répugnance à se mettre en avant et à demander pour lui, très attaché à sa religion. L’autre — la maréchale — était une figure étrange, complexe, presque impossible à définir. Sans trop de religion, sans scrupules, extrêmement décidée, indépendante, ambitieuse, intrigante au dernier point, tenace dans ses idées, fort habile, observatrice, elle savait découvrir et employer les gens dont elle avait besoin, ne recherchait guère que ceux pouvant lui être utiles ou agréables, et n’accordait sa confiance qu’à peu de gens.

Elle savait employer tous les moyens pour arriver à ses fins ; on trouvait en elle une bizarre association de

  1. Bernard de la Valette, duc d’Épernon, deuxième et seul fils vivant du fameux duc d’Épernon. Voir : Épis. de la guerre de Trente ans : Le cardinal de la Valette.