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Madame la comtesse de Noailles, souffrante, n’ayant pu terminer la revision et la mise au point de ses épreuves, nous a demandé de suspendre la publication de ses souvenirs :

LE LIVRE DE MA VIE (Adolescence)
dont nos lecteurs ont pu apprécier, dans la livraison du 15 décembre 1931, la rare qualité littéraire et l’intérêt. Nous espérons que l’état de santé de notre collaboratrice lui permettra de reprendre bientôt ses travaux.
(N. D. L. R.)

QUINZE ANS APRÈS

Au printemps dernier, la Flèche d’Orient transportait en moins d’une heure et demie de Prague à Vienne. Il faisait un temps radieux ; à quelque 1 500 mètres d’altitude, la vieille capitale danubienne s’étendait imposante à nos pieds. Mais lorsque, ayant pris terre, je parcourus les rues de la ville, un sentiment de délaissement, de fatigue, d’inaction me frappa, après la rumeur si vivante de Prague. Les taxis mêmes semblaient rôder sans but précis.

La terrasse de ma chambre d’hôtel surplombait l’un des coins jadis les plus brillants de la ville. À droite, au-dessus des toits, pointait Saint-Étienne ; là, tout près de la cathédrale dans une petite rue du vieux quartier, habitait le comte Thomas Erdoedy, chambellan de Sa Majesté Impériale et Royale, et capitaine de gendarmerie hongroise, le missus dominicus que l’empereur Charles m’avait envoyé en Suisse pendant la guerre. Il est mort voilà six mois.

Je n’avais plus revu, depuis 1917, cette place de l’Opéra que je traversai alors en mars et avril pour me rendre à Laxenburg, auprès de l’Empereur. La première fois, il nei-