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la revue de paris

Dès notre enfance nous sûmes apprécier cette faveur du destin qui met des êtres puérils en relation familière avec des esprits doués de surprenante supériorité, ou bien parés de l’expérience et des épisodes d’une longue carrière. Parmi eux apparaissait, les dominant, et aussi remarquable par la pensée que par l’allure, le prince Edmond de Polignac. Je ne peux apparenter à nulle figure cet aristocrate sans autre compagnie intime que celle de divinités ineffables, et qu’une constante et personnelle Prière sur l’Acropole rendait à la Démos antique. Nourri de Diderot et de Voltaire aussi bien que du génie grec et latin, c’est avec Ia précision d’un élan d’oiseau que sa sensibilité venait se poser et frémir dans la neuve forêt où Mallarmé fait croître au moyen des irisations verbales, Une rose dans les ténèbres, presse dans notre imagination le citron d’or de l’idéal amer, et, retournant aux premiers temps du inonde, libère et détache du chaos :

Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui…
On sentait le prince de Polignac lié d’amour avec la Sainte Ursule de Carpaccio comme avec la Dona Elvire de Mozart, s’épuisant en cris de colombe blessée, sous le masque vénitien. Une part de sang anglais donnait à la curieuse personne de notre ami sa haute taille élégante dont la maigreur semblait d’ivoire, une aisance imperceptiblement dédaigneuse, une justesse attentive, un raffinement d’apparence négligente que révélait un vêtement de couleur inusitée, ample et flottant, un vaste et soyeux mouchoir d’indienne qu’il déployait à la manière britannique, d’un geste qui saurait lancer le disque. Le gant et la chaussure, volontiers trop larges, avaient toujours cette nuance blonde et fumeuse des valises qui gardent le parfum révélateur des enregistrements de Calais et de Douvres.

Doué pour tous les arts, comme l’est en général une intelligence logique et sensuelle, cet amateur de philosophie, de peinture, de poésie, ce satiriste, ce voluptueux, ce gourmand abordait à son île et à son sommet dans la musique. Là, cet esprit finement et profondément universel atteignait une maîtrise dont lui-même était certain, sans vanité, sans modestie, comme lorsque les peintres disent de leur métier, avec un sens