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pleine sauvagerie. Tout au plus pouvais-je craindre qu’ils vinssent m’écorcher les jambes ; je passai à mon poignet la corde de ma hache.

La nuit était profonde. Impossible de rien distinguer, sauf, tout près de ma tête, une sorte de poussière phosphorescente qui m’intriguait singulièrement. Je souris en pensant aux contes des Maories sur les Tupapaüs ; ces esprits méchants qui s’éveillent avec les ténèbres pour tourmenter les hommes endormis. Leur capitale est au cœur de la montagne, que la forêt environne d’éternelles ombres. Là, ils pullulent, et leurs légions s’accroissent sans cesse des esprits de tous les morts.

Malheur au vivant qui se risque dans les lieux infestés par les démons !…

Et j’étais ce téméraire.

Aussi mes rêves furent-ils assez agités.

J’ai su. depuis, que cette poussière lumineuse émane de petits champignons d’une espèce particulière ; ils poussent, dans les endroits humides, sur les branches mortes, comme celles qui m’avaient servi à faire du feu.

Le lendemain, au petit jour, je me remettais en route.

La rivière de plus en plus accidentée, ruisseau, torrent, cascade, dessinait des sinuosité étrangement capricieuses et semblait parfois revenir sur elle-même. Le sentier me manquait sans cesse et c’était souvent des mains qu’il fallait