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NOA NOA

Oui, bien détruit, bien fini, bien mort, désormais, le vieux civilisé. Je renaissais, — ou plutôt en moi prenait vie un autre homme, un autre, pur et fort.

Cet assaut cruel serait le suprême adieu de la civilisation : du mal. Et ce dernier témoignage des instincts dépravés qui sommeillent au fond de toutes les âmes décadentes exaltait, par le contraste, jusqu’à la sensation d’une volupté inouïe la simplicité saine de la vie dont j’avais fait, déjà, l’apprentissage. L’épreuve intérieure serait celle de la maîtrise. Je respirais avidement la pureté splendide de la lumière. Un autre homme, oui : j’étais dès lors un bon sauvage, un vrai Maorie.

Et nous nous en retournâmes, Jotéfa et moi, à Mataïéa, péniblement et paisiblement, portant notre lourd poids de rose : noa noa !

Le soleil n’était pas encore couché quand nous arrivâmes devant ma case, bien fatigués.

Jotéfa me dit :

— Païa ?

Je lui répondis :

— Oui !

Et, dans le fond de mon cœur, je me répétai pour moi-même :

— Oui