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ment l’iméné[1], la mer reposante qui baise de ses brises les brûlures de l’amour et du soleil. Et l’amour n’est que plaisir, et tout n’est que plaisir, même le travail : l’occasion d’une promenade en mer ou sur la montagne, la gloriole de montrer sa force ou son adresse, la douceur d’obliger un ami, — le travail, plaisir des hommes qu’ils partagent avec les femmes et dont la nature a, d’avance, fait les frais. Et la sagesse, encore, est un jeu, le plaisir des vieillards, aux veillées — aux veillées où la peur, aussi, amuse (tant, du moins, que le soleil n’a pas quitté l’horizon et qu’on est à plusieurs), par des récits fantastiques, préludes aux prochains cauchemars et qui relèvent d’un peu de religieuse horreur le délice accompli du jour, — bien que déjà, durant la sieste, l’aile noire des Tupapaüs[2] ait effleuré le front des dormeuses.

Près de la case en bois de bourao, à distance du rivage que la matinée tropicale maintenant embrase, la forêt commence et de l’ombre fraîche tombe des premiers manguiers. Des hommes, des femmes, tanés, vahinés, sont là, groupés, épars, debout et affairés, assis ou couchés et déjà reposant. On boit, on bavarde, on rit.

  1. Ce mot, mais ainsi orthographié, appartient à la langue maorie, et signifie : chant de joie.
  2. Incubes et succubes, esprits des morts, génies errants. — Les u et les ü, dans les mots de la langue maorie, se prononcent ou.