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NOA NOA

Le premier aspect de cette partie de l’Île n’a rien d’extraordinaire, rien, par exemple, que se puisse comparer à la magnifique baie de Rio de Janeiro.

C’est le sommet d’une montagne submergée aux jours anciens des déluges. L’extrême pointe seule dominait les eaux : une famille s’y réfugia, y fit souche, — et les coraux aussi grimpèrent, entourant le pic, développant avec les siècles une terre nouvelle. Elle continue à s’étendre, mais elle garde de ses origines un caractère de solitude et de réduction que la mer accentue de son immensité.

À dix heures du matin, je me présentai chez le gouverneur, le nègre Lacascade, qui me reçut comme un homme d’importance.

Je devais cette honneur à la mission que m’avait confiée — je ne sais trop pourquoi — le gouvernement français. Mission artistique, il est vrai ; mais ce mot, dans l’esprit du nègre, n’était que le synonyme officiel d’espionnage, et je fis de vains efforts pour le détromper. Tout le monde, autour de lui, partagea son erreur, et, quand je dis que ma mission était gratuite, personne ne voulut me croire.

La vie, à Papeete, me devint bien vite à charge. C’était l’Europe — l’Europe dont j’avais cru m’affranchir !