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années de travail heureux il parvint à la comprendre, puis à la transcrire dans un art rigoureusement harmonique, riche de rappels, d’échos, d’analogies, de correspondances Ce paysage te garantit l’authenticité de ce visage et ce rocher te jure que voici bien la mer. L’« invention » dont tu te défies, c’est l’âme de l’œuvre, le souffle de sa vie, le mouvement qui fait l’unité supérieure de ses éléments, la chaleur fluide qui manquerait aux feuilles coupées. Cette invention, qui procède à l’imitation de la Nature, la grande inventrice ! fut influée d’elle dans l’esprit de l’artiste. Voici de l’eau qui ne tarira pas, voici des feuilles qui seront toujours vertes. Voici Tahiti, délicieuse et condamnée, comme elle est.

Voici Tahiti vraie, c’est à dire : fidèlement imaginée.

Une querelle encore, je la devine, et pour en finir avec ces préliminaires (qui touchent parfois au fond) :

— Après le droit de transposition il faudrait légitimer, plus délicat, le droit de parti-pris. On ne contesterait que, dans cette rencontre de deux — dirai-je ? — « sociétés », la nôtre et « celle » de Tahiti, le peintre donne à la sauvagerie tahitienne ses préférences et le suffrage, solennellement, de son admiration. De quoi, permettez, rire, sans plus davantage s’attarder à ce jeu d’un goût rare.

— Au prix seulement d’une intime et entière familiarité