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tiquer et non pas leurs propriétaires ? et la mort ne tarde pas à nous les reprendre. Elle ne les reprendra pas au peintre qui sut les peindre, c’est lui le seul dompteur.

La Nature ne nous livre que des Symboles : le sens qu’elle prend en nous, la sensation, le sentiment, l’idée que nous avons d’elle Nous ne la possédons que par ce détour et c’est de ces fictions qu’est faite notre réalité. Mais le substrat, le prétexte de ces fictions, est inépuisable, eucharistique : nous pouvons communier tous à sa richesse infinie ; pour tous diversement, pour chacun pleinement, la Nature est toujours significative.

Or, l’Art — qui est dans la Nature — participe à ce divin caractère comme elle, contemple, il rayonne. Selon la variété des esprits il se multiplie. Le musicien peut susciter le peintre, comme les murmures de la forêt ont suscité le musicien.

L’Art réalisé peut être pour moi la Nature : elle a, seulement, déjà pris dans une âme conscience de soi.

De Tahiti son peintre rapporte des feuilles de tamaris où se seraient flétries les belles syllabes de ce mot ? une poignée de sable ? une femme vivante ? le soleil ? le rêve qu’il en eut, avec ses yeux, avec son esprit, avec son cœur : Tahiti recréée par son intelligence et sa sensibilité, telle qu’au cours de deux