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en cadence. Un sillage phosphorescent s’ouvrait derrière nos pirogues.

J’eus la sensation d’une fuite folle : les redoutables maîtres de l’océan nous poursuivaient ; autour de nous bondissaient, comme des troupeaux fantastiques, aux formes infinies, les poissons effrayés et curieux.

Deux heures après, nous approchions de l’entrée des récifs. La mer y déferle furieusement, et le passage est dangereux à cause de la lame. Ce n’est pas une manœuvre aisée, que de bien présenter le devant de la pirogue à la barre. Mais les indigènes sont adroits et, avec un vif intérêt, non sans un peu de crainte aussi, je suivis l’opération, qui s’exécuta parfaitement.

Devant nous, la terre s’éclairait de feux mouvants flammes de torches énormes que fournissent des branches sèches de cocotiers. Et le spectacle était admirable : sur le sable, au bord des flots illuminés, les familles des pêcheurs nous attendaient. Quelques figures se tenaient assises, immobiles, d’autres couraient le long du rivage en agitant les torches ; les enfants sautaient çà et là et on entendait de loin leurs cris aigus.

D’un puissant élan, la pirogue s’éleva sur le sable.

Aussitôt on procéda au partage du butin.

Tous les poissons furent déposés à terre, et le patron les