Page:Noa noa - 1901.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
NOA NOA

L’interprétation artistique n’a d’autres limites que les lois de l’harmonie.

Si, les regards sur l’objet qui suscite son émotion, l’artiste produit une œuvre harmonique en chacune de ses diverses parties comme en son ensemble, cette œuvre est l’expression très fidèle et très vraie de cet objet par cet artiste, si vaste qu’entre le modèle et la copie tu constatés l’écart. L’écart peut être plus ou moins évident, mais il est toujours. Car il n’y a pas art s’il n’y a pas transposition. Même celui qui croit copier, s’il est un artiste, transpose, puisque c’est colorées par sa vision personnelle que nous apparaissent les choses par lui « copiées ». — et tu avoues qu’un autre, son égal en mérite et avec le même scrupule d’exactitude, nous les montrerait autrement colorées. Il arrive que l’interprétation la plus lointaine soit la plus vraie : défie-toi de tes yeux, passant, et songe que l’artiste a fait un long effort pour lâcher de pénétrer au secret profond des choses.

On n’a jamais rien pris à la nature avec les mains, que pour combler les cuisines et les herbiers, les ménageries et la musées d’histoire naturelle. Les choses ainsi dérobées à la nature — seules réalités objectives, pourtant, sur lesquelles tous les témoins soient d’accord — entre nos mains s’altèrent, se transforment vite et nous font peu d’honneur. Quel Diogène a dit des lions volés au désert que nous sommes leurs domes-