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NOA NOA

Quand les préparatifs furent achevés, ce qui ne demanda pas moins de trois semaines, on lança à la mer deux grandes pirogues accouplées, garnies à l’avant d’une très longue perche, susceptible d’être relevée vivement au moyen de deux cordes fixées à l’arrière : la perche est pourvue d’un hameçon et d’un appât ; quand le poisson a mordu, il est aussitôt tiré de l’eau et emprisonné dans l’embarcation.

Nous primes la mer (j’étais — naturellement — de la fête) un beau matin et nous eûmes vite franchi la ligne des récifs. Nous nous aventurions, maintenant, assez loin au large. Je vois encore une tortue, la tête hors de l’eau, qui nous regarde passer.

Tous les pêcheurs étaient d’humeur joyeuse et ramaient vivement

Nous arrivons à un endroit ou la mer est très profonde et qu’on nomme le Trou aux Thons, en face des Grottes de Mara[1]. C’est là, dit-on, que ces poissons, la nuit, vont dormir, à des profondeurs inaccessibles au requins.

Un nuage d’oiseaux de mer plane au dessus du trou, épie les thons. Dès qu’un poisson apparait à la surface, les oiseaux se laissent tomber à la mer avec une inconcevable rapidité, puis remontent, un lambeau de chair au bec.

  1. Le mot mara se retrouve dans la langue des bouddhistes, ou il signifie mort et, par déduction, péché.