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NOA NOA

La mer n’eût plus donné assez de poisson, la forêt assez de fruit. La famine n’eût pas tardé, qui a toujours eu, et dans tous les pays du monde, pour conséquence l’anthropophagie. — Pour s’épargner le meurtre de l’homme, les Maories se résignèrent au sacrifice de l’enfant. Remarquons-le, du reste, anthropophagie avait déjà pénétré dans les mœurs quand les Aréoïs intervinrent : c’est pour la combattre en en détruisant les causes et c’est à un peuple d’anthropophages qu’ils imposèrent l’infanticide. On peut donc dire, bien que le côté sinistrement comique de l’observation soit de nature à réjouir quelque vaudevilliste, que l’infanticide constituait un notable adoucissement des mœurs. Il fallut, sans doute, aux Aréoïs, une extraordinaire énergie pour réaliser ce progrès ; ils n’y parvinrent qu’en se grandissant, aux yeux du peuple, de toute l’autorité des Dieux.

L’infanticide fut, en outre, pour la race, un moyen puissant de sélection. Ce terrible droit d’ainesse, qui était le droit-même à la vie, maintint dans le peuple l’intégrité de la force, en le préservant des produits maladifs d’un sang épuisé. Elle nourrit aussi, dans tous ces enfants de la jeunesse, le sens d’une fierté inaltérable. C’est cette force première et c’est la dernière fleur de cette fierté que nous admirons encore dans les produits suprêmes d’une grande race expirante.

Enfin, le spectacle constant, la fréquentation assidue de la