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surhumaine, un prestige enfin qui courbait autour d’eux toutes les tetes.

Il y a, dans notre moyen âge féodal et chrétien, des institutions, et le lecteur les nomme, analogues à celle-là ; je n’en sais point de plus simplement formidable que cette compagnie religieuse et guerrière, ce concile permanent et en armes, rendant des arrêts au nom des Dieux, détenant la toute-puissance, disposant de la vie et de la mort.

Les Aréoïs enseignaient que les sacrifices humains sont agréables aux Dieux et sacrifiaient eux-mêmes, dans les maraës, tous leurs enfants sauf le premier-né : ce rite sanglant était symbolisé par les sept cochons de la légende, qui sont tous mis à mort, sauf le premier, le « cochon sacré ».

Ne nous hâtons pas de crier à la sauvagerie. Cette obligation barbare, à laquelle tant d’autres peuplades primitives se sont soumises, avait des causes profondes, d’ordre social, d’intérêt général. Chez des races très prolifiques, comme fut autrefois la race maorie, le développement illimité de la population menaçait son existence-même, nationale et privée. Sans doute, la vie, dans les Îles, était facile, et il ne fallait pas à chacun beaucoup d’industrie pour y trouver le nécessaire. Mais le territoire, très restreint, et qu’environnait la mer immense, la mer infranchissable aux frêles pirogues, se fût bientôt dérobé sous les pieds d’un peuple sans cesse multiplié.