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enfin la minute où le temps, brusquant la tangence, s’abîmera, simplifié, dans l’immense, et laissera la parcelle lumineuse regagner le foyer primitif.

Ou bien au bord de la mer, ou bien sous les premières ramures de la forêt, je m’assieds, seul parfois, plus souvent près de moi celle dont les jambes fortes et lisses sont comme les jeunes troncs de deux cocotiers vigoureux, celle dont les lèvres savent les noms des Dieux, le mien et rire, — et nous vivons, dans la lumière, simplement.

Quand elle est sérieuse, quand on me croirait songeur, — en effet, nous réfléchissons, tous deux : moi (comme jadis sur les flots du voyage, mais avec une joie que j’ignorais alors) la lumière du soleil ; elle, le rayonnement dont il emplit mes yeux. Notre simplicité s’épanouit dans la lumière. Elle nous dit tout ce qu’il importe de connaître, au présent.

Pourtant il nous arrive de frissonner, quand nous sentons que nos âmes viennent d’être visitées par le reflet d’un Secret perdu, d’un des suprêmes secrets que possédaient les aïeux de Téhura : plus près que nous du Grand Cœur, ils ignoraient tout de ce que nous savons. Car le Soleil, par delà les laborieuses et mal sûres opérations de la raison, aux aïeux de Téhura révélait le mystère et le motif de vivre. À nous il enseigne, en nous il éveille la vie seulement, lumineuse et simple. Au moins, c’est la vraie ! l’horizontal domaine de