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NOA NOA

On me répond que l’eau est trop froide ; puis, de longs conciliabules à l’écart, et des rires qui m’intriguent.

J’insiste : enfin, les jeunes filles se décident, quittent leurs légers vêtements, et les paréos à la ceinture, nous voilà tous à l’eau.

Ce n’est qu’un cri général :

— Toë toë !

L’eau clapote et ses bruits se répercutent en mille échos qui répètent : toë toë !

— Viens-tu avec moi ? dis-je à Téhura en lui montrant le fond.

— Tu es fou ? Là bas, si loin ! Et les anguilles ? On ne va jamais là.

Et ondulante, gracieuse, elle se jouait sur le bord, comme une jeune personne très fière de savoir si bien nager. Mais moi aussi, je sais très bien nager, et, quoiqu’il m’en coutât un peu de n’aventurer tout seul, je me dirigeai vers le fond. Par quel étrange phénomène de mirage semblait-il s’éloigner de moi à mesure que je m’efforçais de l’atteindre ? J’avançais toujours et, de chaque côté, les grands serpents me regardaient avec ironie. Un instant, je crus voir flotter une grosse tortue ; la tête émergea même de l’eau, et je distinguai deux yeux brillants et fixes qui me défilaient. Folies ! pensai-je : les tortues de mer ne séjournent pas dans