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pue. Au soleil, tout cela faisait une orgie de chromes. — On me dit qu’elle était originaire des Tongas.

Je la saluai, elle sourit et s’assit à mon côté.

— Tu n’as pas peur de moi ? lui demandai-je.

Aïta.

— Veux-tu habiter ma case, toujours ?

Eha (oui).

— Tu n’a jamais été malade ?

Aïta.

Ce fut tout.

Le cœur me battait, pendant que la jeune fille, impassible, rangeait à terre, devant moi, sur une grande feuille de bananier, les aliments qui m’étaient offerts. Je mangeai de bon appétit, mais j’étais préoccupé, troublé profondément. Cette enfant, d’environ treize années (dix-huit ou vingt ans d’Europe) me charmait et m’intimidait, m’effrayait presque. Que pouvait-il se passer dans cette âme ? Et c’était moi, moi si vieux pour elle, qui hésitais au moment de signer un contrat où j’avais tous les avantages, mais si hâtivement conçu et conclu !

Peut-être — pensais-je — la mère a-t-elle ordonné, exigé. Peut-être est-ce un marché qu’elles ont débattu entre elles…

Je me rassurai en reconnaissant dans la physionomie de la jeune fille, dans ses gestes, dans son attitude, les signes très