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NOA NOA

À Taravao — le district le plus éloigné de Mataïéa, à l’autre extrémité de l’Ile — un gendarme me prête son cheval, et je file sur la côte est, peu fréquentée des Européens.

À Faone, petit district qui précède celui, plus important, d’Itia, je m’entends inter peler par un indigène :

— Hé ! l’homme qui fais des hommes ! (il sait que je suis peintre…) Haëré maï ta maha ! (Viens manger avec nous : la formule tahitienne de l’hospitalité).

Je ne me fais pas prier, tant le sourire qui accompagne l’invitation est engageant et doux.

Je descends de cheval. Mon hôte prend la bête par la bride et l’attache à une branche, sans aucune marque de servilité, simplement et avec adresse.

Et nous entrons ensemble dans une case ou sont réunis des hommes et des femmes, assis à terre, causant et fumant. Autour d’eux, des enfants jouent et bavardent.

— Où vas-tu ? me demande une belle Maorie d’une quarantaine d’années.

— Je vais à Itia.

— Pour quoi taire ?

Je ne sais quelle idée me traversa l’esprit, ou peut-être disais-je bien le but réel, secret jusqu’alors pour moi-même, de mon voyage :

— Pour y chercher une femme, répondis-je.