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NOA NOA

voyage dont je ne m’assignais pas d’une façon précise le terme.

Tandis que je faisais mes préparatifs — quelques paquets légers pour les besoins de la route — et que je mettais en ordre mes études, mon voisin et propriétaire, l’ami Anani, me regardait avec des yeux inquiets. Après de longues hésitations, des gestes commencés, inachevés, et dont la signification très claire m’amusait et me touchait tout à la fois, il se décida enfin à me demander si je me disposais à m’en aller.

— Non, lui dis-je, je vais faire une promenade de quelques jours seulement. Je reviendrai.

Il ne me crut pas et se mit à pleurer.

Sa femme vint le rejoindre et me dit qu’elle m’aimait, que je n’avais pas besoin d’argent pour vivre parmi eux, qu’un jour, si je voulais, je pourrais reposer pour toujours — là : elle me montrait, près de sa case, un tertre, décoré d’un arbrisseau.

Et j’eus tout à coup le désir de reposer pour toujours — là. Du moins personne, l’éternité durant, ne viendrait m’y déranger…

— Vous autres, Européens, ajouta la femme d’Anani, vous êtes étranges ! Vous venez, vous promettez de rester, et