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NOA NOA

III

Au premier coup que triste on entendit gémir
Dans l’Arbre de passe la voix du souvenir
Vibrant du loin des jours à l’émoi des murmures !
Et que pâlit la nue à travers les ramures
S’entrechoquant comme des bras décharnes, noirs,
Dans la folie et la fureur du désespoir !
Et que perdit l’éclat gai de sa robe verte
Le gazon où tombait la multitude inerte
Des menus rameaux morts, au premier choc brisés !
De pesants relents soudain volatilisés
Chargeaient l’air, et dans le ciel s’éveillait forage.

Mais le bûcheron bûcheronnait avec rage,
Une chanson légère aux dents et une fleur,
Et sa hache était, dans la surhumaine ampleur
De l’effort, l’aile d’un ange qui font des nues.

Du faîte jusqu’en les profondeurs inconnues
Où son orgueil des anciens temps fut implanté
Tout l’Arbre frémissait sous les coups répétés.