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d’abord à se faire acteur, était entré au Conservatoire et avait tenté un début au Théâtre-des-Arts, dans le rôle de Tartufe. Son émotion avait été telle qu’il s’était enfui dès le premier vers, en offrant son mouchoir à Dorine.

Peu de temps après cette aventure, il tomba malade et mourut de la poitrine ; soigné par ses sœurs, je le voyais avec épouvante s’aider dans sa chambre d’un bâton pour faire quatre pas.

J’allais aussi quelquefois écouter les histoires du perruquier Desjardins. Ce perruquier, causeur et bel esprit, avait aussi une grosse fille d’une vingtaine d’années qui babillait comme son père, en faisant de la dentelle au métier. Je la regardais avec ravissement manier ses fuseaux, et que n’aurais-je pas donné pour faire aussi de la dentelle !

Parmi les vieux du quartier, il y en avait un dont le fils était ami de mon père. Le père et le fils faisaient des bas au métier, ce qui était pour moi un autre objet de très attentive curiosité. Ce très honnête vieillard, grand, un peu voûté comme presque tous les bas-d’estamiers, m’étonnait par sa vie silencieuse, par je ne sais quoi de terrifié. Mon père et son fils quelquefois parlaient devant lui des évènements du jour ; le pauvre homme, aussitôt, disparaissait, désapprouvant visiblement toute opinion politique. Du moins, il en désapprouvait l’expression.