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puis Necker, et puis le renversement de l’un et l’autre ministres ; ils avaient vu les États-Généraux, le Jeu de Paume, Mirabeau, la Bastille, etc.

La Terreur, enfin, et surtout l’horrible Terreur blanche, dont plusieurs, en 1822, étaient encore pâles et muets. Le Directoire, le Consulat et l’Empire, et Sainte-Hélène, cinquante années d’évènements formidables…

Voilà ce que ruminaient ces vieux ; quelques-uns frémissaient encore des cours prévôtales et d’un certain M. de Marivaux, qui en avait été, à Rouen, le président maudit. Pour des vétilles, pour un mot faussement rapporté, d’honnêtes gens, tels et tels, avaient été punis de mort.

Ces pauvres vieux venaient quelquefois causer avec mon père, se régaler d’une prise dans sa large tabatière. Quels récits ! D’autres voisins, un peu plus jeunes, avaient été soldats : ils avaient vu l’Italie, la Hollande, l’Égypte, l’Allemagne, l’Espagne, la Russie. Ils se rappelaient les uns aux autres tout ce passé. Quel roman ! roman d’aventures et d’héroïsme ! Et ce roman, c’était leur histoire !… Les livres étaient à jamais pleins de cette gloire qui était leur gloire.

Aussi, n’ai-je plus revu de visages si fiers, si nobles, et, quelques-uns, si bons !

Comme les vieux d’alors, vieux aujourd’hui moi-