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bien l’un et l’autre nous aurons été peu de la génération actuelle.

Pour ce qui me concerne, il fut visible, dès l’enfance, que mon rôle ne serait pas de ce monde. Sans avoir l’air bête, j’étais laid, malingre, chétif et comme venu d’une autre planète. On en fit plus d’une fois devant moi l’observation. J’en étais à ma quinzième année, qu’une dame, à mon grand chagrin, me donnait neuf ans.

Mon père était en très bonnes relations d’affaires avec la dynastie Pouyer, dynastie cauchoise, riche, ambitieuse et envahissante. Rouen s’emplissait de Pouyer, tous appartenant à la principauté cotonnière ; Pouyer père, Pouyer fils, Pouyer aîné, Pouyer jeune, Pouyer frères, Pouyer-Hélouin, Juste Pouyer, Pouyer-Quertier ; un Pouyer Tranquille nous étonnait de son prénom dans cette famille agitée. Il y avait même un Pouyer-Pouyer, tous gens avisés, actifs, beaux et bruyants parleurs, grands mangeurs, grands buveurs. Les beuveries Pouyer commençaient de passer à l’état de légende.

Madrés, hardis, de belle humeur et de belle prestance, on avait pour idéal dans cette famille, d’ailleurs très unie, la fortune et l’or… Remuer l’or à la pelle devait être, depuis des siècles, leur rêve. Il fallait que de cette tribu sortît quelque jour un ministre des finances devant qui surgiraient des