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bourgeoisie désirait justement lui faire croire : que le pouvoir temporel de la bourgeoisie était véritablement garanti, mérité en esprit par la valeur spirituelle de ses penseurs. Que les plus dignes de le commander commandaient. Que ce commandement était légitimé par la possession de valeurs qui lui étaient interdites, à cause de l’infériorité de sa nature physique, de sa nature naturelle, et non de sa situation sociale. Il se jugea avec la modestie qu’il fallait, il jugea la bourgeoisie avec le respect, avec la foi qu’il fallait. Il ne vit point qu’il était écarté de ces valeurs précisément par la volonté bourgeoise soucieuse de son monopole.[1]

Mais les hommes qui ne sont point bourgeois, mais le prolétariat, qui est en question depuis le commencement de cet essai n’a pas l’emploi d’une sagesse aussi vaine. Ces solutions fantômes ne sont d’aucun secours à celui dont la vie ne comporte pas le loisir des pensées vides. Il n’a point l’emploi de cette culture qui lui est montrée de loin comme une séduction, comme l’objet de ses vœux impossibles.

Nous ne poserons pas comme un objectif pratique la revendication de cette culture spirituelle et de cette Philosophie inapplicables au destin ouvrier. Cette fausse sagesse faite par la bourgeoisie ne séduit et ne justifie qu’elle. Le développement intérieur de la personne, le progrès de la Raison ordonnant les passions de l’homme, la communion imaginaire des êtres capables d’échanger des pensées raisonnables, le système harmonieux du monde, les justifications idéalistes, tous ces établissements de la Philosophie s’effondrent sous les chocs d’une vie

  1. Cf. note N.