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une infinité de problèmes particuliers touchant son rôle, ses démarches, son utilité, ses résultats et son existence même. Elle s’efforce de mettre de l’ordre dans les contradictions des sciences qui marchent de leur mouvement. Elle cherche à établir des bilans, à rendre nettes les idées et les méthodes qui se font jour dans la construction de la science par les savants. Elle vise enfin à tirer de leurs exercices, de leurs expériences, de leurs découvertes positives, de leurs erreurs et de leurs échecs, de leurs victoires et de leurs replis des vues sur le fonctionnement et la nature de l’intelligence en général. On peut admettre la légitimité historique de ces opérations sur les sciences : cette tâche fut par exemple celle de Platon lorsqu’il s’efforçait de vaincre les difficultés soulevées par l’introduction des incommensurables. La valeur de cette philosophie du premier genre qu’il serait sage enfin de nommer seulement Logique Générale, est à débattre entre les savants et les philosophes. Cette question est purement cléricale et ne regarde point immédiatement le laïc. Elle ne concerne pas la Philosophie, ou la Sagesse humaine en général. On ne peut pas dire à M. Rey qu’il ne fait pas son métier de philosophe parce qu’il s’occupe de la théorie physique et se débat dans les impasses de la thermodynamique : il répondrait sans doute raisonnablement qu’il a un métier et que personne n’a le droit, lorsqu’il l’exerce, de l’accuser de trahir on ne sait quelle mission humaine de la Philosophie. Pourquoi, dirait peut-être M. Rey, n’allez-vous point accuser mon voisin, qui est docteur, de trahir la mission de la médecine sous prétexte qu’il ne proteste point contre les arrestations préventives, pourquoi n’accusez-vous pas mon autre voisin qui est cordonnier de trahir la cordonnerie parce qu’il ne s’élève pas contre les massacres des paysans indochinois ? Et ces réponses seraient justes.