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du Cogito, c’est la Cogitatio elle-même… »[1]

Boutroux résumait ainsi l’histoire de la Philosophie :

« En quoi consiste selon l’histoire le progrès de la Raison ? Tout d’abord certains aspects des choses lui apparaissent comme inassimilables, tel le non-être chez Parménide, l’ananké chez Platon, le sensible chez Descartes. Mais la raison s’assouplit, s’élargit, et réussit de la sorte à s’assimiler des éléments de l’Être qui d’abord la scandalisaient. Elle s’assimile le non-être avec Platon, la liaison synthétique avec Descartes… l’évolution avec Hegel… »[2]

Ainsi se dessinent les lignes principales d’un univers intelligible des dialogues de la Raison, isolés de l’univers sensible et profane, à la suite de quelque rupture de relations mystérieuse mais dont il est permis, à tout prendre, de se féliciter. Elles expriment les postulats contre quoi il importe de s’élever si l’on a encore la naïveté d’attendre quelque bien de l’exercice des pensées.

Ces images d’un dialogue, exprimant les inflexions, les retours, les questions, les fausses rigueurs d’un pur développement de l’Esprit, ne sont point les seules que fournisse la tactique idéaliste : il est possible de leur opposer une esquisse bergsonienne du développement de toute Philosophie en général :

« Plus nous remontons vers cette intuition originelle, mieux nous comprenons que si Spinoza avait vécu avant Descartes, il aurait sans doute écrit autre chose que ce qu’il a écrit, mais que Spinoza vivant et écrivant, nous étions sûrs d’avoir le spinozisme tout de même. »[3]

Une nécessité intérieure à l’individu Spinoza,

  1. L. Brunschvicg, Revue de métaphysique et de morale, 1925.
  2. Bulletin de la Société Française de Philosophie, 1907.
  3. Revue de métaphysique et de morale, 1911.