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qu’Anytos juge Socrate, que Lénine juge l’empiriocritisme. Il faut défendre enfin ces pensées de la foule contre la suffisance du penseur spécialisé.

Nous réclamons une situation nette : comme les nouveaux venus à la Philosophie vivent encore parmi les hommes, comme le lien qui les attache aux hommes n’est point encore complètement brisé, il leur appartient de mesurer les conséquences de la philosophie de leur temps. Le métier philosophique peut bien les attirer déjà à l’écart de cette poussière que soulève la vie humaine et de ce grand bruit et de cette rumeur de piétinement qu’elle fait entendre : il leur est encore possible de se refuser à temps aux voies polies, aux froides avenues de la Philosophie du ciel, de refuser les « soupes éclectiques que l’on sert dans les Universités sous le nom de Philosophie ».[1] Et la mesure de ces conséquences ne se passera point de la recherche des causes de cette philosophie.

Il n’y a point de questions plus grossières que celles qui sont posées ici, qui sont retournées ici. La philosophie présente qui dit et croit qu’elle se déroule au profit de l’Homme est-elle dirigée réellement et non plus en discours et croyances en faveur des hommes concrets ? À quoi sert cette philosophie ? Que fait-elle pour les hommes ? Que fait-elle contre eux ? Quelles peuvent être les relations de la Philosophie et des hommes ? C’est seulement en leur nom et de leur part que sera dissipée l’équivoque du mot Philosophie. Il ne faut point croire sur parole ses promesses abstraites et la générosité paresseuse qui coule dans ses mots.

  1. F. Engels : L. Feuerbach.