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miraculeuses, mais d’un ralliement à la philosophie de Marx et de Lénine.

Voici que nous voyons que les pensées formées par les penseurs sont stériles au regard de l’homme et même qu’elles sont sournoisement, secrètement dirigées contre lui, contre l’avenir qu’il porte. Va-t-il falloir accepter que les pensées formées dans les têtes humaines soient inclinées contre lui ? Allons-nous rester avec les têtes vaines et vides que la bourgeoisie nous donna ? accepter que la philosophie ne soit point tournée au profit des humains ?

La séparation, tragique pour Guéhenno, pour quiconque veut rester fidèle à des dieux antiques et déjà embaumés et ne point trahir pourtant les espoirs qui les nient, entre ceux qui font profession de penser et cette grande masse exploitée que nos pères nommaient le Peuple avec un mélange de familiarité, de hauteur et d’espoir et que nous devons saluer désormais de son nom de Prolétariat, cette séparation se retrouve entre la pensée et le monde. Un univers d’idées qui n’est rien qu’un univers immatériel du discours s’est formé, et il n’a aucune communication apparente avec le monde terrestre où les corps se pourrissent. Il arrive que des hommes soient reçus dans la société des faiseurs de discours raisonnables, sans avoir eu le temps ni l’occasion de se détacher du monde de la vie et de la mort ; ils aperçoivent le vide de cette Philosophie et ils ne trouvent pas que ses idées soient applicables aux réalités sévères de ce monde où ils ont encore pied. Ils voient qu’elles ont pour effet de faire croire qu’il ne compte point, qu’il n’existe même point, pour effet de détourner l’homme de sa terre et de ses combats. Ils cherchent des idées qui soient efficaces en vue de l’accomplissement des hommes. Marx a décrit dans les Lettres à Ruge une révolution de la honte, que nous connûmes,