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doute à ces promesses démocratiques, à ces tâches de direction, de dévouement qu’elle prétendit s’assigner. Des philosophies ouvertement réactionnaires affirmeront les exigences matérielles de la domination bourgeoise. Il y aura un établissement du fascisme dans la philosophie : des Gentile français naîtront. Les défenses bourgeoises perdront l’hypocrisie dont elles s’enveloppent encore. Alors, pour la première fois, la philosophie bourgeoise reprendra contact avec l’univers des combats, avec les destins terrestres. À cette heure encore se multiplieront les sagesses déjà annoncées par plusieurs signes : des penseurs inventeront pour les bourgeois inquiets qui ne seront pas sur la ligne de bataille des sagesses de la vie intérieure. Ils s’enfonceront dans les replis de la personne. Les justifications céderont le pas aux refuges et aux fuites. Les bourgeois ne tromperont plus.

Peut-être n’auront-ils même pas le loisir de ces inventions. Les événements marchent déjà à un pas que ces nains auront peine à suivre. Peut-être n’y aura-t-il aucun passage d’idées entre les philosophies présentes qui ne suffiront plus et la réalité de la violence civile. La bourgeoisie n’aura peut-être pas le temps de faire appel à ses clercs : elle se tournera soudain vers ses soldats et vers leurs armes. Il y aura la débandade des idées, puis les prisons et les balles. Va-t-il falloir attendre en se croisant les bras ce dernier moment proche ou tardif encore où se dissoudront sans espoir de renaissance la pensée, la culture bourgeoises elles-mêmes, où elles seront complètement désespérées ? Va-t-il falloir attendre que les hommes se trouvent complètement nus, complètement désarmés devant l’aggravation de leur destin, au point qu’ils