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le monde va assez bien, M. Brunschwicg n’est pas mécontent non plus. Comme les philosophes ont pour envers des hommes, les uns ont des raisons de juger le monde confortable, les autres n’arrivent pas à s’y faire. On ne fera croire à personne qu’il suffit toujours pour s’adapter au monde de l’interpréter comme il faut, que l’Opinion relève de la liberté et que la liberté est ensuite le fruit de l’opinion droite. Je n’aime pas la philosophie des écraseurs par ce que je me suis senti écrasé, l’adaptation à l’écrasement me paraît bien moins un succès de la Liberté qu’une condamnation à mort.

Les philosophes confortables estiment que le progrès humain est parvenu à son terme, ou est en bon chemin. Ils se croisent les bras et s’installent dans la paix du dimanche : plus de travail sur la planche, ils méditent dans le repos du septième jour. Mais pour quelques hommes, le dimanche n’est pas arrivé, il reste du travail qui n’est pas fait. Je trouve que le travail n’est pas fait. M. Lalande trouve que si. M. Bouglé, M. Blondel sont assis dans la paix du Seigneur. La Philosophie est faite : et nunc dimittis servum tuum, domine ! La machine de l’Esprit est en marche, elle ira de soi jusqu’au bout des temps. N’ont-ils pas inventé le mouvement perpétuel de la Philosophie ?

Cependant, elle se dépose dans les marais salants traditionnels. Personne ne veut ouvrir de nouvelles voies, les thèmes sont classés, les programmes fixés jusqu’à la fin des temps. M. Parodi fait le point et relève la route : après-demain, dans cent ans. Ces rentiers ont acheté la maison.


V


D’autre part, il existe des hommes. Et l’Homme est l’objet théorique de la Philosophie. Il faut que la Philosophie saisisse qu’il n’y a pas seulement homo faber et homo sapiens, homo