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sophes se sentent abrités contre les ennuis, par exemple contre l’ennui des classifications grossières. Ces olympiens font leurs affaires dans un ombre humide favorable aux mystères et aux transmutations magiques. Si nous ne comprenons pas, ils chantent : Nuage, mon beau nuage.

Mais pourquoi cacherais-je mon jeu ? Je dis simplement qu’il y a une philosophie des oppresseurs et une philosophie des opprimés. Sans aucun rapport réel et qu’on nomme pourtant toutes deux Philosophie. C’est l’équivoque de la Philosophie en général. Ou tout au moins la première de ces équivoques qu’il s’agit de dénombrer. De mettre à nu.

Il n’y a jamais eu de philosophie indifférente. Les philosophes sont des gens qui ont plus de parti pris que les hommes du commun. Il n’y a jamais eu que deux partis à prendre : celui des oppresseurs et celui des opprimés. La plupart des philosophes affirment que la Philosophie n’a pas de parti : cette Vierge aime la Vérité. On peut ensuite faire ce qu’on veut de la vérité.

Mais cette attitude est ou bien une hypocrisie ou bien une illusion difficilement séparable du travail idéologique. Une philosophie cherche à établir et à justifier des vérités temporelles conformes à certains types d’existence, qu’elle exhibe méthodiquement au moyen de raisonnements et de concepts. La nature de la philosophie est de servir des personnes et leurs intérêts. Il n’existe pas de Vérité univoque, éternelle et reconnaissable telle que la Philosophie univoque, éternelle et connaissante puisse la prendre comme objet.


IV


Parmi les philosophes, les uns sont satisfaits et les autres non. Épicure n’est pas comblé, Spinoza non plus. Mais Leibniz juge que