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M. Boutroux l’était, mais je ne trouve pas qu’elles constituent des déviations temporaires de la Philosophie éternelle. M. Maritain croit qu’il y a une philosophie éternelle. Comme je n’ai pas d’entretiens avec Dieu, je ne sens point cette éternité. L’éternité me paraît condamner les hommes à une existence de forçats. M. Bergson, feu Boutroux appartiennent seulement à certaine famille de philosophes, de laquelle je suis l’ennemi. Mais cette inimitié ne repose pas sur l’amour de la destination éternelle de la Philosophie en soi. Je ne suis pas le bras droit d’un Destin.

De même, l’exploitation des ouvriers, la misère sentimentale dont tout le monde est en train de mourir ne sont pas des déviations actuelles et provisoires de la destinée béatifique de l’humanité en soi.

Je vois certaines philosophies. Elles ne violent point une Idée de la Philosophie, elles ne sont pas des péchés contre la Philosophie. On peut dire devant elles comme Hegel devant les montagnes : « C’est ainsi. » Seulement je n’aime pas ce genre de montagnes, tout en sachant bien qu’elles ne pèchent contre la morale des Montagnes.

Les philosophies n’ont pas de participations mutuelles : elles ne procèdent pas d’une unique essence. Pas plus qu’une jacquerie et un pogrom, bien que ces deux manifestations de la violence dirigée puissent présenter des ressemblances formelles.

Or en philosophie, tout le monde se laisse encore duper par de telles ressemblances. L’apparence systématique des diverses constructions de la pensée générale conduit à prendre la philosophie hamelinienne pour une des incarnations de la méditation humaine au même titre que le platonisme et le spinozisme. Ou la philosophie biranienne. On consent que Lachelier soit classé parmi les philosophes, et Boutroux parmi les hommes. Sans réserves. Sous prétexte de conformité à des règles formelles de l’intelligence sans